La fête nationale est une occasion pour resserrer les liens entre compatriotes. Les activités culturelles demeurent un moyen efficace pour remonter en surface le fihavanana qui semble enfoui dans les vieux tiroirs. Le kabary, les danses, les jeux et sports traditionnels comme le moraingy sont mis en exergue. Les conférences, les ateliers et les expositions d’art malagasy animent les centres culturels. La célébration du 26 juin est un moment convivial pour le peuple malgache. Un moyen de divertissement pour qu’il oublie la paupérisation qui le ronge. Les feux d’artifice, les lumières lui permettent de rêver durant le mois. Le mois de juin fait couler des larmes de nostalgie. Les aînés n’imaginaient pas que leur pays tomberait aussi bas. « C’était la belle époque », précisent-ils.
L’indépendance voit la naissance de la Première République le 14 octobre 1958. Les années 60 sont une période de changements décisifs à Madagascar. Les transformations touchent de nombreux domaines : politique, économique, social ainsi que culturel. Quelles que soient les opinions sur cette indépendance, la fin de la période coloniale, autrement dit, la domination française directe, est vue durant cette décennie comme le prélude à la renaissance culturelle, expression d’un épanouissement plus général de nombreux domaines dans la vie d’une nation enfin reconnue souveraine sur la scène internationale. Madagascar est devenu membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 20 septembre 1960. Dès les premières années de l’indépendance, les agences du système des Nations unies figurent parmi les principaux partenaires de la Grande Île dans ses efforts vers le développement.
Depuis l’indépendance, l’économie indépendante est en fait extravertie au profit de la France. Mais comme le Trésor public malgache est intégré à celui de la France, il en résulte une stabilité qui est donc l’effet de la dépendance. Les importations sont supérieures aux exportations, ce qui n’est pas du tout un très bon signe. Les économistes qualifient ce caractère d’extraversion. Les chiffres du commerce extérieur pour les 11 premiers mois de l’année 1960 ne marquent qu’un léger progrès par rapport à l’année précédente. L’importation est de 387.356 tonnes représentant 25 milliards francs CFA et l’exportation est de 209.377 tonnes représentant 17 milliards francs CFA. Le principal partenaire économique de Madagascar est la France. La francophilie culturelle est donc doublée d’une dépendance économique. Au lendemain de l’indépendance, le nouveau régime a bien tenté d’instaurer une véritable indépendance économique en lançant une politique agricole ambitieuse visant à agrandir la superficie rizicole et sa productivité. La combinaison de ces efforts avec la dépendance accroît l’impression de stabilité économique. Dans un tel cadre, la France ne peut être qu’un modèle sur de nombreux plans. Elle connaît d’ailleurs une forte croissance économique. Tananarive, comme une ville provinciale française, apparaît alors comme un relais de modèles économique, culturel et politique français, en particulier pour une classe moyenne malgache en formation. Pour la plupart des personnes que nous avons interviewées, la période de la Première République est décrite comme celle de l’abondance sur le plan économique. La période des privations dues à la Guerre durant laquelle Madagascar fut sous blocus, de même que les angoisses créées par la rébellion de 1947, semblent loin. «Le riz se trouve en abondance et les troubles sont oubliés. En ville, le kilo de riz coûte environ 30 francs et 15 francs en brousse. Le lait en poudre coûtait 600 francs la boîte de 500g et le lait de marque Paillot, 55 francs le litre».
À présent, c’est la catastrophe. Rien ne va. Délestage, coupure d’eau, la misère font partie du quotidien. C’est la régression totale. Madagascar touche le fond. «Où allons nous», Oustaz Boana, le chef religieux musulman d’Antsiranana se demande. « Si nos ancêtres, qui se sont battus pour notre liberté, se réveillent, ils ne seront pas contents de nous voir dans cette situation » a-t-il ajouté.
Iss Heridiny