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samedi, avril 20, 2024
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Faim et alimentation : Rudolf Bos propose une solution contre le Kere 

Les surfaces de cultures vivrières étaient réduites aux besoins alimentaires de la famille 

Rudolf Bos est un agronome retraité, septuagénaire, membre très actif du Rotary Club International de Tuléar. Il a été agronome dans l’Androy durant de longues années avant 1972.

La majorité de la population du sud de la Grande Île, affectée par le Kere, ignore le monde en pleine mutation ou ne se sent pas concernée par la multitude des crises hors de leur besoin vital.

Au cours des dix dernières années, on constate le plafonnement des rendements agricoles aussi bien dans le monde rural développé que ceux du tiers monde, voué à l’économie de subsistance à un taux de croissance démographique plus élevé que celui de la production agricole. Quant au début des années 60, un projet a été lancé pour introduire la culture attelée dans l’Androy, l’autosubsistance était source et mode de vie. Les surfaces de cultures vivrières étaient alors réduites aux besoins alimentaires de la famille. Ceci laissait le temps pour restituer la fertilité du sol et, en tout état de cause, la perte éventuelle d’une récolte était limitée. Le reste du terroir était voué à l’élevage, ce qui permettait aux paysans de se replier sur eux-mêmes en équilibre proche des conditions ancestrales. De fait, en mémoire d’homme, la sécheresse dans le Sud a toujours existé sans pourtant faire subir à la population la mendicité (sarotse ty kere fa ambony ty meñatse). 

Cependant, on peut relever quelques traits de ce déclin affectant l’aide alimentaire dans le Sud. Le PAM (Programme Alimentaire Mondiale) tire la sonnette d’alarme à cause de la crainte d’une crise alimentaire mondiale et la FAO prédit l’assèchement des sources de l’eau potable et de l’irrigation d’ici 2030. Force est de constater que l’assistance alimentaire n’est pas une assurance vie.

L’eau c’est la vie. Sans eau, l’agriculture n’a pas de sens. Les technologies doivent être adaptées aux systèmes agricoles tout en reconnaissant leurs environnements agro-écologiques et agro-économiques; c’est-à-dire, au lieu de vouloir combattre la sécheresse avec des technologies améliorées, nous préférons parler des potentialités à mettre en œuvre par une nouvelle génération d’exploitants agricoles instruits et des groupements de femmes initiés à la permaculture (super potagers) et l’élevage de basse-cour.

Etant agronome, Rudolf Bos, avec une longue carrière en matière de développement rural dans l’Androy (FAO 1966/72, FED-Relance du Sud, 1992/96), l’honnêteté l’amène à reconnaître aussi ses erreurs d’identification des actions prioritaires. En réalité, la pauvreté du paysan local était relative car son capital était « caché » dans le cheptel qui assurait aussi la position sociale dans son caste. 

La sécurité alimentaire concerne aussi bien le milieu rural que les agglomérations urbaines. En milieu rural il faut s’orienter plutôt à développer le pastoralisme de l’élevage à cycle court en passant par la restauration des terres agricoles dégénérées et la valorisation des zones marginales avec des arbres et des arbustes fourragers, associé aux travaux de récupération et de conservation des eaux de ruissellement. Le rôle des femmes est d’importance fondamentale pour l’autosubsistance par la production des cultures vivrières et la conduite de basse-cour. Grâce à l’élevage (caprin) le Sud entier peut disposer d’un socle de sécurité économique et les super potagers inspirés des pratiques éprouvées mettront les ménages pauvres à l’abri de la famine et de la malnutrition.

Le jour viendra sûrement où les autorités malgaches retrouveront le courage à mettre en œuvre les grands travaux de récupération et d’adduction d’eau qui se perdent périodiquement dans l’océan. En attendant, des centaines de points d’eau réalisés dans le Sud sont hors d’usage par manque d’un minimum d’entretien, et ailleurs l’eau est gaspillée sans que les dirigeants communaux n’interviennent. Quant à la population privée d’une source d’eau, il reste la possibilité de recyclage des eaux usées« enrichies » d’urine, somme toute, source d’azote indispensable en culture maraîchère. Face à la régression du niveau de vie en ville, il est recommandé de développer l’agriculture urbaine et périurbaine pour pallier les apports de légumes venant des Hautes Terres. D’éminents savants prêchent qu’il nous faut apprendre à vivre avec les pandémies. On peut y ajouter que le manque d’eau et la rareté des produits alimentaires vont très prochainement changer le mode de vie des nantis et menacer la survie des millions de démunis. Depuis le Kere de 1991 des institutions extérieures ont ajouté à leur action d’urgence des activités de développement (food for work ou nourriture contre travail) avec des résultats douteux. Par l’effet de distribuer des produits alimentaires sur les surplus des pays donateurs, on assiste à la dépendance d’une nourriture certes salvatrice mais à la dépense de l’agriculture locale et notamment de l’abandon de l’aliment de base qui était le sorgho. En attendant l’exécution des grands travaux d’adduction d’eau pour l’instant réduite à la propagande électorale, nous pensons qu’il faut modifier la production agricole traditionnelle, qui ne peut plus assurer même l’autosubsistance, en faveur d’un système sylvopastorale. L’aménagement du terroir comprendra plusieurs phases. Il doit couvrir l’ensemble de pratiques permettant, au vu d’un inventaire, de réaliser une possibilité dans le cadre d’une révolution. Il faut bien prendre garde qu’une planification, pour être efficace, ne peut venir d’en haut et être imposée. La participation de la population concernée est nécessaire ainsi que l’engagement total des cadres politiques visés. A l’opinion que l’on voit trop grand nous proposons des petits projets visant l’installation des jeunes ruraux formés (programme de formation au niveau CEG). En plus, il est fortement recommandé d’appuyer des groupements de femmes pour la mise en œuvre des super potagers afin d’éradiquer la malnutrition.

La caractéristique des petits projets sera la modicité des moyens financiers mises en œuvre à leur départ de façon à permettre leur répétition par la population elle-même avec un concours financier extérieur très réduit.

A titre d’exemple, la régénération des peuplements naturelles se fait mal parce qu’ils sont soumis presque partout à une pression beaucoup trop forte : le feu, les animaux, l’homme. Mais l’élasticité du pouvoir de régénération est grande. Il suffit d’une protection efficace pendant quelques années pour voir la végétation ligneuse reprendre de la vigueur et s’étaler à moindre frais. 

Propos recueillis par Charles RAZA

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