Du 4 au 12 août, la ville de Belo sur Tsiribihy et l’île fluviale d’Ampasy sont immergées dans le « Fitampoha », tradition séculaire pour baigner les saintes reliques des rois Sakalava dans le fleuve du Tsiribihy. Fierté identitaire d’un groupe humain, ethos traditionnel du lien collectif réaffirmé d’un côté, spectre permanent de l’insécurité et enclavement spéculatif de l’autre. Rien de bien nouveau pour le Madagascar du peuple.
Fait du hasard, calcul politique ou logique historique, le point commun entre les rites « Fitampoha » et « Fanompoambe », du groupe humain Sakalava, du Menabe et du Boina. C’est que les deux se tiennent dans des aires insécurisées.
Pour le premier, le haut lieu de la tradition « Fitampoha » est la localité de Belo. Où les attaques des « dahalo », grands bandits, sont monnaies courantes à travers les routes, les voies d’accès vers les villages et localités alentours… Aussi ordinaire qu’un volatile se baladant sur les rives du Tsiribihy.
Pour le second, à Majunga, le quartier de Tsararano Ambony, entourant le domaine royal, est un labyrinthe de verdure, zone rouge de la criminalité et angoisse des conducteurs de « Bajaj ». S’y déroule tous les ans un rite hautement sacré, le « Fanompoambe ».
Ces deux lieux appartiennent à un même groupe humain, les « Sakalava ». Énorme, influant et puissant royaume du temps des monarques. Le plus marquant est « Toera ». Mort vers 37 ans, décapité par les Français colons.
Son crâne est jusqu’à maintenant gardé comme un trophée dans un musée public en France. Aux dernières nouvelles, ses détenteurs estiment qu’il relève de leur patrimoine de droit et historique. Raison pour laquelle, le rendre à Madagascar nécessite un long processus.
D’autres raisons politico-identitaires sont évoquées. Pour le moment, Toera est enterré sans crâne dans son village à « Mahavelo ». Sur une piste où les armes à feux utilisés par les « dahalo » sont surnommés « vazaha », littéralement étranger blanc. À se demander si Banksy oserait s’y rendre.
Cette manière de représenter le danger et le mal par des référencements aux colons révèle aussi de la sacralité de l’acte de « Toera » chez les Sakalava Menabe. Le « Fitampoha » s’est donc déroulé à Belo sur Tsiribihy et notamment à Ampasy du 4 au 12 août.
Pour y arriver, deux options sont possibles. Il faut rejoindre Morondava, cité balnéaire au mélange de l’accueil affable des gens de Nosy-Be. Et de cette voile de quiétude embellissant Majunga, ressentie au coucher du soleil le long du fameux « bord ».
La mer y caresse une plage blanche, elles se trouvent en plein centre-ville. Propice à la baignade. Après, depuis Morondava, cinq heures de car en brousse sont nécessaires pour avaler les 100 kilomètres pour rejoindre Belo sur Tsiribihy.
Un axe à la réputation touristique mondiale grâce au site poussiéreux de l’« Allée des baobabs ». Mais aussi terrain de jeux des « dahalo ». Être en panne la nuit sur cette voie, rien que d’y penser, les chauffeurs les plus aguerris de taxi-brousse en appellent au Tout-Puissant et disent quelques noms d’oiseaux.
Tout le monde descend à Tsimafana ou Saint-Marie. Débarcadères pour accéder à Ampasy, lieu du « Fitampoha », en pirogue ou en canot à moteur. Seuls moyens aussi pour rejoindre Belo. La dernière option est de faire le trajet entre Antananarivo et Tsimafana, sans passer par Morondava.
Alors, compter 17 à 20 heures de route. La destination finale est l’une des régions les plus chaudes de Madagascar selon les spécialistes. Après, boutre, canot ou pirogue pour Belo ou Ampasy. Cette dernière est une île au milieu du fleuve, elle sert de décor au cœur de l’événement.
L’île apparaît chaque année en saison sèche. Émergent alors du Tsiribihy plus de 7 hectares de plage. Un peu au centre, un coin broussailleux faisant office de toilettes publiques. Pas un seul arbuste pour s’abriter du soleil, bien réfléchi par le sable. Au final, un four géant.
Vers 1h du matin, le fleuve tempère l’atmosphère ambiante. Le brouillard s’installe peu à peu sur les eaux. Le froid gagne la plage, le sable s’humidifie. La technique pour se réchauffer consiste à enfoncer les pieds à quelques centimètres de profondeur.
La chaleur de la veille y est encore maintenue. Dès 8h, la canicule revient. Une montée en crescendo pour atteindre son apogée vers midi. Les centaines de personnes endormies ici et là se réveillent. Ampasy s’anime de nouveau.
Maminirina Rado