Pour enrayer un incendie qui se propage, il est parfois utile de procéder à ce qu’on appelle un contre-feu, c’est-à-dire qu’on allume volontairement une aire encore préservée et dans la direction du feu de façon à créer un vide. Ainsi, le sinistre est stoppé. La Sous-région du Sahel ont été le théâtre de renversements de pouvoir politique à savoir le Mali, Le Burkina-Faso et le Niger. Puis dernièrement le Gabon, tout récemment, leur a emboîté le pas. On savait déjà que la déstabilisation était à craindre de prendre du terrain dans cette partie de l’Afrique et que les observateurs avertis le sentaient d’autant que le terreau semblait être propice à ce bouleversement. Notamment, au Gabon où la dynastie « Bongo » est au pouvoir depuis près d’un demi-siècle. Etat où le dirigeant en place, Ali Bongo, a connu déjà une crise postélectorale lors de la précédente présidentielle en 2016, malade et vieillissant ce président dont la course à sa succession est déjà latente, est à la tête d’un pouvoir à bout de souffle. Pourtant le Gabon est doté de richesses naturelles abondantes (pétrole, bois, manganèse) mais mal réparties avec une proportion de près de 40% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté malgré un PIB/habitant de 8000$ par an, de quoi faire envier de nombreux pays africains. Les jeunes dont 24% sont au chômage trépignent du pays devant l’engouement de ceux de leur âge lors des coups d’Etat des pays voisins. Bref, tous les ingrédients pour un changement sont présents pour un bouleversement politique dans cette situation explosive.
De l’armée est venu un renversement inconstitutionnel presque au même moment de la proclamation officielle de la réélection d’Ali Bongo. Contrairement, à leurs prédécesseurs d’ailleurs où l’on vu une pléiade de généraux de toutes les armes, à Libreville, une poignée d’officiers de la garde présidentielle seulement a pris le pouvoir via la télévision et a décrété la nullité des élections, la dissolution de toutes les institutions de la République gabonaise et la fermeture des frontières du pays, mais a maintenu toutes les mesures de musellement de toutes contestations prises avant et pendant l’élection. En somme, tout s’est bien passé comme une lettre à la poste, comme on dit. La réaction du désormais ex-président est tout aussi anodine, se contentant d’appeler la population d’une voix faible à « faire du bruit ». L’intronisation du nouvel homme fort du Gabon comme président de la Transition s’est faite tout aussi discrètement comme les réactions de la communauté internationale. Tout se résume ainsi, comme scénario de film d’action riche en rebondissements et scènes de violence, l’on peut dire sans être contesté que c’est bien maigre et mauvais.
Si mauvais que l’on peut se demander s’il y a bien eu un coup d’Etat tel que l’on voit habituellement, celui-ci ressemble plus à une pacifique passation de pouvoir classique (sans bruit ni effusion de sang).
Faux coup d’Etat diront certains d’autant que sans être dans le cercle familial des Bongo, Brice Oligui Nguema, le désormais à la tête du pays, est néanmoins un des leurs proches de longue date. Qui est derrière lui ? Ce n’est pas difficile de répondre quand les milieux d’affaires (du Gabon ?) l’ont déjà adopté voire adoubé. Alors vrai faux coup d’Etat ou faux vrai coup d’Etat comme diraient certains ?
M.Ranarivao