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lundi, juin 17, 2024
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Hip hop : Du rap malgache des contestataires à celui des millionnaires

La danse hip hop a été le point d’entrée du rap à Madagascar.

Le rap malgache, un vaste monde qui a connu sa genèse aux alentours du début des années 90. Presque trente ans après, c’est sûrement le temps de la nostalgie, un bref survol de ce genre musical s’impose.

Le rap malgache serait maintenant un gars dans la trentaine, l’âge où la vie ressemble à une chambre avec plusieurs portes et qu’il faut en choisir une pour la postérité. Il y a trente ans, des groupes venant des quartiers d’Antsahabe et de ses environs ont commencé à emprunter des pas de danse venus de France et plus tard des Etats-Unis. A l’époque où une seule chaîne nationale diffusait les rares titres de rap, des anciennes idoles comme Mc Hammer, Vanilla Ice, Public Enemy et Benny B étaient parmi les premiers artistes connus des antananariviens.

Dans l’ensemble, le début du rap à Madagascar avait pour base arrière les quartiers de la classe moyenne de la Capitale. Loin du cliché ghetto, drogue et armes à feu qui accompagnent souvent l’image commerciale du rap américain. Par ailleurs, la forme y était, des bandes de potes d’un même bloc qui vivaient la même passion. Ces derniers avaient la chance d’être en contact avec des magazines spécialisés ou des vidéos venus d’ailleurs. Dans un pays où le paysage musical étranger se limitait à des émissions au formol telles « Stars 90 », « Champs- Elysées » ou « Pop in Germany », il était quasi sûr qu’une nouvelle tendance allait faire une percée fulgurante.

Miandralitina Andriambololonaina promoteur du rap et artiste également.

De la danse au mic. « Vers la fin des années 80, c’était  la danse qui dominait la scène. Ensuite, ces danseurs se sont mis à chanter vers les années 90. En 1992, le premier titre de rap était diffusé sur la télévision nationale celui de Da Hopp ‟Aok’ izay”. Après des groupes sont nés, Bogota, Diosezy, Shao Boana… C’est en 1996 que le rap a vraiment explosé, puisque la communauté s’est agrandie. On arrivait à dominer des salles et ramener plus de mille spectateurs rien qu’avec le bouche à oreille », se souvient, Tovolah, du groupe Karnaz (1995-2011 ). A cette époque, l’esprit du rap antananarivien était contestataire. « Des jeunes conscients », souligne Tovolah.

Le premier paysage qu’a offert le rap malgache a été donc celui d’une musique alliant des jeunes diplômés, fils d’employés de bureau ou de cadre moyen… Des jeunes qui ont tout de suite perçus le côté révolutionnaire du rap. Leur compétence intellectuelle et linguistique leur permettait de réfléchir sur les textes des rappeurs français. Normal si les premiers titres des groupes d’Antananarivo tiraient à boulets rouges sur le système qui prévalait à cette époque. Les années 90 étaient également la période de plusieurs crises politiques. La situation à Madagascar était donc adaptée à ce que cette musique véhiculait à sa source, surtout dans la communauté afro-américaine : la liberté et l’émancipation.

Dans les années 2000, le rap a explosé dans les quartiers de la capitale. « Pour moi, cette période a été une période charnière. Cela à cause de la gravure . Tous ceux qui voulaient un instrumental ne faisaient que graver des sons sur un CD et ils pouvaient monter leur parole dessus. Cela a accéléré les choses. Auparavant, il fallait que les groupes créent leur propre instrumental », met en évidence Tovolah. La démocratisation de ce genre musical était inévitable d’autant que des mots tirés du jargon du rap national commençaient à s’intégrer dans le parler quotidien. Comme « Vitams » pour dire : titre ou chanson, « mpiondana », pour indiquer les personnes adeptes de la musique. Pour ainsi dire : la naissance d’une culture hip hop malgache.

Da Hopp, groupe légendaire et précurseur du rap malgache.

« Le verbe foutraque ». Le XXIe siècle allait être un tournant dans la musique rap malgache. Quand le verbe du rap contestataire s’est quelque peu tarit, une autre forme textuelle a vu le jour. Le « crew » le plus symbolique de cette nouvelle vague était 18.3. Trois amis d’enfance du quartier d’Antsahabe ont formé un groupe qui diffusait des textes satyriques. Le comique a pris le devant de la scène. Tandis que des artistes de variétés ont appelé les trois compères pour orner de leurs rimes leur opus. Dans les régions les plus reculées du pays, la déferlante 18.3 a rallié tous les jeunes et jeunettes des bourgades et des communes rurales.

Pour une fois, un rap accessible leur permettait d’être au diapason avec les jeunes de la ville. Probablement, parce que les soucis des gars de la ville, sur l’émancipation, la révolution et tout le tralala étaient trop loin de ceux des gars de la « campagne ». Quoi qu’il en soit, le genre musical est devenu national grâce à ces joyeux lurons du mic’. Sans oublier que depuis le début ce sont les artistes de rap des grandes villes, comme Antananarivo et Mahajanga, qui se sont surtout taillé la part du lion.

Retour aux fondamentaux. Un bond de quinze années plus tard, des groupes comme « Agrad Skaiz » apparaissent, prônant toujours ce côté comique mais surtout des as de la communication. Utilisant les médias et Internet comme les grands majors de la musique. A l’heure où l’information est devenue aussi accessible qu’acheter des sucreries. « Les jeunes d’aujourd’hui sont submergés par l’information, du coup, ils ne savent plus la gérer. Après, on se retrouve avec des textes qui tournent autour de la drogue, du popotin et surtout beaucoup de bavardages égocentriques », fait remarquer Mbolatiana L. Raoilison, la seule graffeuse à Madagascar pour l’instant.

Au niveau musical, le rap s’est « variétisé », les sons sont de plus en plus nébuleux, les textes se sont pour la plupart orientés vers le monde des ados. Le rap actuel a réussi à faire des millionnaires. Malgré les détracteurs, certains artistes arrivent à vivre dignement de leur musique. Pour Miandralitina Andriambololonaina, le retour de cette belle époque est encore possible. Ce chanteur, promoteur et détecteur de nouveaux talents, est confiant : « Dans la nouvelle génération, il y a plusieurs groupes qui ont le potentiel. Le problème, c’est qu’ils pensent qu’il suffit de faire un enregistrement en studio et le tour est joué. Ils ne savent pas qu’ils doivent emmener leur son dans les stations radios ou participer à des émissions. C’est sans doute l’époque qui veut ça. Mais parmi eux, il y a des balaises ».

Maminirina Rado

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