
La chenille légionnaire et les cataclysmes naturels figurent parmi les premiers facteurs compromettant la sécurité alimentaire à Madagascar.
C’est ce qui ressort d’une conférence téléphonique donnée par Mme Beth Dunford, administratrice adjointe du bureau de la sécurité alimentaire de l’USAID et M. Matt Nims, directeur de « Food for Peace » (Nutrition pour la Paix) de l’USAID à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de l’Alimentation. Deux journalistes malgaches y ont participé ; et ils ont figuré parmi « les plus actifs » de la conférence- selon les organisateurs-, avec leurs confrères de l’Ethiopie et du Soudan. Le point de presse a en effet traité de la sécurité alimentaire en Afrique et les enjeux sous-jacents qu’elle soulève (croissance et productivité économique, contextes politiques, conditions écologiques, etc.). Les contributions de l’USAID et les défis qui l’attendent pour instaurer durablement la sécurité alimentaire en Afrique ont été d’emblée présentés par Mme Dunford et M. Nims.
Sécurité alimentaire et développement. Les deux intervenants ont tout deux reconnu que les aides d’urgence, bien qu’indispensables dans certaines régions africaines en proie aux conflits, ne sont toutefois pas viables pour éradiquer l’insécurité alimentaire en Afrique. C’est la raison pour laquelle, ont-ils expliqué, le bureau de la sécurité alimentaire de l’USAID et ses partenaires techniques et financiers (tels que les gouvernements locaux, les Nations unies, les centres de recherche, etc.) travaillent sur deux niveaux : les aides d’urgence et les projets de développement qui promeuvent la résilience de la population et leur sécurité alimentaire durable en leur fournissant les moyens de chercher des solutions pérennes et des bonnes pratiques par eux-mêmes ; pour sortir effectivement de la logique d’assistanat. Pour l’année fiscale 2017 par exemple, trois milliards de dollars ont été injectés dans la lutte contre l’insécurité alimentaire en Afrique. Malgré cette somme colossale et la recherche constante d’approches les plus pragmatiques et transversales possibles, force est de constater que l’éradication de l’insécurité alimentaire -qui est un long processus- n’a pas encore abouti (et les conflits y sont pour beaucoup : Somalie, Soudan du Sud, etc.) et nos confrères éthiopiens n’ont pas manqué de le rappeler. Pour preuve, 80 millions de personnes, supplémentaires sont venus s’ajouter aux populations concernées par l’insécurité alimentaire en Afrique.

Madagascar. D’un point de vue régional, la Grande Ile est concernée par une partie des problèmes touchant ses voisins africains (ex : la chenille légionnaire, les conditions naturelles (parfois) difficiles, etc.). Elle se distingue toutefois par l’absence de conflits politiques et civils ouverts, qui, s’ils ne sont pas toujours directement à l’origine d’insécurité alimentaire en Afrique ne font que décupler l’intensité de ce fléau et aggrave ses conséquences. Ainsi pour Madagascar et selon Matt Nims : « Le cas de Madagascar est un peu particulier en Afrique, car la Grande Ile n’est pas concernée par des conflits civils (…) La chenille légionnaire et les cataclysmes naturels figurent parmi les premiers facteurs d’insécurité alimentaire. La chenille détruit en effet 1/3 des récoltes ce qui peut être catastrophique dans les régions comme le grand Sud exposé à une sécheresse chronique. Actuellement plus d’1 million de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, sans parler d’autant d’enfants victimes de malnutrition chronique. Nous avons pu constater que la population de ces régions peinent encore à se relever du passage d’El nino (2016-2017). » Les facteurs naturels et certaines habitudes des communautés étroitement liées aux us et coutumes contribuent au statu quo de cette situation. Par us et coutumes, nous entendons par exemple, les Tandroy (un

des groupes ethniques majoritaires de la région) qui ne peuvent se résoudre (ou bien très difficilement et très rarement) à la pêche, aussi sèche et stérile que soit la terre, mais persévèrent toujours dans la culture et l’élevage caprin et bovin. Inversement, les Vezo, gens de la mer et pêcheurs par tradition, (autre groupe majoritaire du Sud) sont viscéralement liés à la mer et à la pêche et ne peuvent se résoudre à vivre de l’agriculture et cultiver la terre. Pour en revenir à la chenille légionnaire, Mme Dunford a soutenu que la chenille légionnaire concerne 35 pays dans le monde, dont l’Inde et que vu les conséquences graves de son existence, l’USAID a investi dans des recherches scientifiques pour l’éradiquer. Par ailleurs, notons que la conférence a permis d’avoir différents points de vue (experts et journalistes) sur le contexte de la sécurité alimentaire en Afrique. Toutefois, nous regrettons que, faute de temps, les enjeux climatiques liés à l’agriculture et la question alimentaire en Afrique n’aient pas pu être abordés, alors qu’ils sont énormes. De récentes études ont montré que l’agriculture (biologique) peut contribuer à la mitigation et à l’adaptation des effets du changement
climatique, notamment pour l’Afrique, appelé à devenir « le grenier du monde » (selon certains anthropologues).
Luz Razafimbelo