Vous êtes de passage au pays, vous avez déjà aligné quelques concerts, notamment « Belamba », pouvez-vous nous faire un petit bilan du parcours ?
Il faut dire que le temps manque, mon passage est un peu bref: juste pour proposer mes deux projets, « Belamba » et un autre dont on cherche encore le nom. Ce dernier se rapproche de l’afro groove moderne. Il y aura Hasina et Tsanta aux cuivres, Toofa, Harty, Miora, aux rythmiques et moi j’ajoute de l’harmonie. Et un petit peu de direction artistique. Ma première impression par rapport au public, c’est que tout le monde a apprécié. Puisque nous avons combiné salegy, tsapiky, trotrobe… Cela correspond d’ailleurs à mon projet de fin d’études au conservatoire.
Donc, allez-vous mettre la musique du terroir malgache sous le prisme scientifique?
Je vais défendre une hypothèse selon laquelle ces genres musicaux sont adaptables au jazz, qu’ils sont ouverts à ce dernier. Je dois alors convaincre un jury international pour mon Master 2. Du coup, au niveau du jazz, il ne faut pas toujours être puriste. Alors que la musique malgache est un environnement très large et ouvert. En théorie, dans la musique, chacun à son langage. Chacun sa théorie pour pouvoir communiquer dans ce langage. Pour moi, à côté de l’aspect scientifique et théorique, je prône surtout l’aspect spirituel.
Vous faites des va–et–vient entre l’Europe et le pays depuis quelques années, forcément vous avez constaté des changements et des évolutions dans le milieu du jazz malgache…
Il y a beaucoup de jeunes qui savent faire de la musique, il y en a plein. Surtout dans le milieu du jazz. Nous avons eu la chance de discuter. De YouTube, de tutos. Mais notre avantage, nous les Malgaches, c’est que nous savons toujours nous adapter à chaque contexte. Et la transmission orale est une véritable école, depuis toujours. Notre musique possède une âme, mais au niveau technique, nous sommes devancés par les étrangers. Un simple exemple, quand vous regardez les trompettistes des orchestres lors des cérémonies de « retournements de morts », leurs mâchoires gonflent beaucoup. Avec une technique, ils pourront tenir trois heures sans aucun souci.
Être diplômé d’un conservatoire, qu’est-ce que cela signifie en termes de débouchés, porteur de projets, etc?
D’abord, je peux enseigner. Devenir compositeur pour des musiques de film par exemple. Mon projet est de porter « Belamba » et ce deuxième concept à travers le monde. Le Master 2 peut être utilisé pour un travail de bureau. L’avantage se situe au niveau du salaire. En effet, le diplômé est mieux traité qu’une personne ayant seulement de l’expérience au niveau de l’enseignement. C’est aussi un critère recherché.
Et comme porteur de projet, quand vous présenterez votre dossier de projet à un festivalier par exemple, est-ce qu’un diplôme ajoute du poids ?
Il y a du poids. Puisque c’est déjà une assurance que la personne va mettre en avant. Qu’elle ne va pas faire n’importe quoi. Que ce qu’elle va faire est réfléchi, fruit d’un travail. Parce qu’il n’y a pas de hasard ou de chance dans la musique, c’est avant tout du travail.
Est-ce que Madagascar pourrait prétendre à son propre conservatoire international un jour ?
Bien sûr, beaucoup de Malgaches sont talentueux. Par ailleurs, certains parents sont encore au stade du « il veut faire de la musique, nous voulons un fils ingénieur ou médecin ». Surtout si cela devient professionnel. Alors s’il y a un conservatoire ici, cela pourrait motiver les jeunes puisque les objectifs vont être rehaussés.
Recueillis par Maminirina Rado
