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mardi, mai 14, 2024
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L’Eau en Afrique : Une ressource stratégique, sensible et sous-exploitée

Le manque d’eau et la famine ne sont pas une fatalité pour pour l’Afrique; la preuve en image avec ce champs école fertile dans l’Androy.

40% des êtres humains n’ayant pas accès à l’eau potable sont Africains (<400 millions approximativement), alors que ce grand continent possède annuellement 5400 milliards de m3 d’eaux renouvelables. Seules 4% de ces immenses ressources en eaux renouvelables sont exploitées. Une sous exploitation doublée d’une gestion encore à améliorer qui prive le continent africain de nombre d’opportunités de développement humain et de croissance économique durable.

D’où l’oxymore caractéristique parfois utilisée pour décrire Madagascar, « pauvre et riche à la fois », car invraisemblable, voire sinistre que cela puisse paraître, c’est un fait. Avant de tenter de dresser un état des lieux de la situation de l’eau au niveau régional. Essayons d’abord de montrer comment, grâce à un accès à l’eau équitable et rationnellement géré, le continent africain – sa partie sub-saharienne notamment- peut enfin « décoller » et ne pas mourir de pauvreté sur tant de richesses. Se focaliser sur les opportunités et sur comment les saisir et les fructifier, sans pour autant verser dans l’utopie, est en effet plus productif en terme de développement, que de s’attarder dans la sinistrose, souvent contreproductive, voire stérile. L’Afrique a plus de 160 lacs et une vingtaine de grands fleuves, qui peuvent à eux seuls contribuer considérablement-par le biais de l’énergie hydraulique parfaitement renouvelable- combler le gap en termes d’accès à l’énergie en Afrique du Nord (99        %) et en Afrique subsaharienne (32%). Insister sur cette piste de l’énergie renouvelable est important, car le constat du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat (GIEC) est sans appel, le réchauffement global au dessus de +1,5°C impacte négativement sur l’eau en perturbant son cycle. Ce qui a encore été renforcé à la 24ème Conférence des Nations unies sur le Climat en Pologne, à Katowice : sécheresses, désertifications, inondations, ou encore pollution, etc.

Une charrette transportant de l’eau à Betsimeda, aux portes de l’Androy.

Agriculture, nutrition et climat. A Madagascar plus de 80% de la population vivent de l’agriculture, il en est de même en Afrique. Cette caractéristique régionale se double pourtant d’un taux de malnutrition, faisant encore partie des plus élevés au monde. 22% en moyenne pour l’Afrique subsaharienne et 47% pour la malnutrition infantile (des enfants de moins de 5 ans) pour Madagascar. Si les ressources en eau de l’Afrique étaient pourtant correctement exploitées, l’agriculture s’en retrouverait améliorée et plus productive. Ce qui dans un premier temps contribuerait déjà à réduire significativement le taux de malnutrition dans le continent, qui entaille, voire annihile la productivité et l’épanouissement de sa population. Mais dans un second temps, si elle est rendue durable et écologique, cette agriculture permettra de contribuer durablement à la lutte contre le changement climatique, auquel l’Afrique est le continent le plus vulnérable au monde. Sachant que l’agriculture qui représente l’activité principale de la population africaine est responsable de plus de 11% des émissions de gaz à effet de serre (GES), une agriculture durable et écologique réduira significativement le réchauffement climatique dans la région, par la réduction des émissions de GES. Un réchauffement qui couplé au stress hydrique (résultant en grande partie de l’exploitation des énergies fossiles- Tunisie, Maroc, Algérie, Nigéria, etc. et de l’agriculture intensive) a conduit à l’intensité du phénomène El nino, duquel les populations sont encore en phase de rémission. Là où réside une partie du problème, réside également une partie de la solution. L’opportunité est ainsi par exemple d’attirer des investisseurs désireux d’investir dans l’adduction d’eau (et ils sont nombreux en Occident !) aux fins d’agriculture biologique en formant les populations locales, pour créer un cycle économique vertueux, avec des impacts directs sur le quotidien de la population. Car c’est à cette condition-là qu’elles arrêteront l’agriculture intensive, les cultures sur brûlis et autres pratiques archaïques de survie qui provoquent la déforestation, détruisent le sol et engendrent aussi une partie non négligeable du stress hydrique, à l’origine-parfois- de conflit(s) dans la région.

Le potentiel hydrologique de l’Afrique n’attend qu’à être suffisamment exploité, ici le Mandrare, censé procurer la longévité selon la tradition locale.

Genre et santé. Un meilleur accès à l’eau, c’est aussi plus de développement humain, notamment en ce qui concerne femmes et enfants. C’est moins de maladies, moins de morts et de décès prématurés, car oui, un enfant meurt toutes les 90 secondes des suites d’une maladie liée à la consommation d’eau impropre. Nine, habitant à Ranopiso, Amboasary- un district situé à cheval entre l’Androy et l’Anosy dans le Grand Sud de Madagascar- est une mère de famille de 22 ans, elle doit parcourir 7 km à pieds en aller-retour tous les jours pour chercher de l’eau-non potable- pour cuisiner le repas familial quotidien et le peu qu’elle et sa famille puissent faire de toilette et de lessive. Dans l’Androy, le taux d’accès à l’eau est de 13,5% s’il est à peine de 35% au niveau national. « Le plus dur c’est quand j’ai mes menstruations, je me sens sale, mal à l’aise et donc peu « productive » dit-t-elle. Pour tout ce qui est lié à ma vie de femme en fait, comme les jours où j’ai donné la vie à mes enfants !  Ces derniers quant à eux souffrent fréquemment de diarrhées, le cadet a même failli perdre la vie » confie Nine. Comme le secteur de l’eau est étroitement lié aux secteurs de l’hygiène et de l’assainissement- le fameux WASH !- Une eau de qualité, dite améliorée à défaut d’être potable, équivaut à une amélioration de l’hygiène de vie. Face au manque ou à l’absence d’eau, les populations tendent en effet à l’utiliser avec parcimonie, surtout en milieu rural : peu ou pas d’infrastructures sanitaires pour les toilettes, défécation à l’air libre (couplé aux facteurs culturels), peu ou pas de lavages de main, etc. D’où les nombreuses maladies et épidémies à la clé, en Afrique, les maladies liées à la pollution de l’eau sont les premières causes de mortalité.

Les enfants sont gravement atteints par la pollution de l’eau, un enfant meurt toutes les 90 secondes des suites de maladies qui en découlent.

Pistes d’action. Que faire donc ? Une grande question parmi tant d’autres. En notre qualité de « non spécialiste », nous ne saurons que proposer des pistes de solutions résultant d’analyses combinées de la littérature scientifique et du contexte local et régional. Au niveau décisionnel, ce serait donc- entre autres- construire et renforcer plus d’infrastructures de gestion de stockage d’eaux renouvelables et d’eaux usées (pour le recyclage). Des barrages hydrauliques en meilleure adéquation à l’évolution de la géographie du continent pour une plus grande efficacité énergétique, voire une juste transition énergétique en Afrique…Mais aussi et surtout un climat des affaires assaini, avec une diminution drastique de la corruption. La gouvernance et la finance sont en effet des points sensibles et oh combien essentiels pour la réussite de projets de développement, en Afrique comme ailleurs. La corruption est malheureusement transversale en Afrique, mais heureusement en même temps, que la lutte contre ce fléau est engagée, notamment au niveau des institutions dans la région. Moins de corruption est un pari gagnant-gagnant, car cela équivaut à un environnement plus attrayant, rassurant, compétitif pour les investisseurs, plus d’impacts directs pour les populations censées être bénéficiaires, éternels parents pauvres des projets de développement dans le Tiers-monde. Et enfin et non des moindres, refuser de céder à la fatalité, bien que cela puisse être tentant, car certes 400 millions d’Africains n’ont pas accès à l’eau potable, mais le manque d’eau n’est pas une fatalité en Afrique, notre continent possède la ressource essentielle pour y remédier : l’eau. La réponse est chez nous, pas ailleurs. A l’échelle individuelle, nous pouvons aussi, par exemple, opter pour l’agriculture urbaine et un usage plus rationnel de l’eau pour ceux qui en ont en permanence, car les actions écologiques, ça commencent aussi chez soi. Des actions basiques comme éviter le gaspillage de l’eau et repenser à la manière de la consommer, par exemple par la réduction de la consommation, ou encore le recyclage domestique des eaux usées.

Texte et Photos Luz Razafimbelo

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