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dimanche, mai 19, 2024
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Littérature malgache : « Tout est à réinventer », estime Môssieur Njo

Ecrire bourré et éditer sobre, le conseil d’Ernest Hemingway. Môssieur Njo, lui, écrit toujours en état de sobriété malgré l’univers psychédélique de ses œuvres. (Crédit photo : Anja)

Môssieur Njo, l’un des rares romanciers malgaches à s’essayer encore dans l’exercice de l’écriture en malgache, auteur de « Lisy Mianjoria », a bien voulu nous ouvrir la porte de ses perceptions. Il nous parle de son parcours, de sa vision de la littérature malgache et de ses projets, dans cette interview.

Midi Madagasikara : D’où vous est venu l’envie d’écrire ?

Môssieur Njo : Depuis que je suis tout petit, j’écris des petites histoires, des petites nouvelles avec une petite touche de science fiction. Je devais avoir à l’époque huit ans. Des petites histoires que je ne finissais pas forcément. Puis, l’écriture s’est imposée en moi. C’était comme une évidence d’en faire mon métier vu que je faisais cela pratiquement tout le temps. Vous voyez, c’est comme de l’artisanat, quand le tisseur façonne son métier, je m’exerçais tout le temps. Et comme on dit, c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en écrivant que je suis devenu écrivain.

M.D : Quel est le premier livre que vous avez sorti ?

Mon premier livre autopublié est un groupe de livres en un ; d’une part en malgache « Litera sy Baraingo », et d’autre part en français « Livre Q ». Ce livre est paru en février 2009.

M.D : Ecrire, est-ce un métier ou une passion pour vous ?

C’est un métier. Ce n’est pas une passion puisqu’une passion, cela va et cela vient. Pour moi, c’est plus un métier et une obsession. Je dis obsession parce que cela ne part jamais.

M.D : Parlons de Lisy Mianjoria, votre premier roman. Comment est venue l’idée ?

L’idée de Lisy Mianjoria est venue une fois quand j’étais aux abords du lac Anosy. C’est un beau lac vu de loin, mais quand je me suis rapproché, le lac était d’une puanteur terrible. D’où l’idée d’imaginer un lac Anosy qui serait propre et qui ne sentirait pas aussi mauvais. C’est à cet instant que m’est venue l’idée première du roman.

M.D : Lisy est-elle une jeune fille ?

Quand je lisais Harry Potter, je me suis rendu compte qu’Hermione était celle qui travaillait beaucoup alors qu’Harry n’était que « l’élu ». Dans mon histoire, il y a Lisy qui est comme Hermione, et Rabe qui est, en quelque sorte, l’élu. Je pense que c’est une manière de valoriser le travail que de mettre Lisy au premier plan. Toutefois, je n’y ai pas forcément pensé, je crois que c’est venu de manière naturelle.

M.D : D’où viennent vos personnages ?

C’est assez cliché, mais des gens que je côtoie. Certains de mes personnages sont des gens que j’ai côtoyés dans le temps. Ce qui est magnifique avec les personnages, plus ils viennent de la réalité, plus ils sont réussis.

 

M.D : Pourquoi avoir écrit Lisy Mianjoria en malgache ?

Il y a une touche personnelle pour Lisy Mianjoria parce que j’aurais aimé lire ce livre quand j’étais adolescent. Malheureusement, il n’y avait pas beaucoup de livres en malgache à l’époque. Et pourtant le malgache est une si belle langue qui mériterait plus qu’on s’y attèle. Ceci dit, je n’accorde pas une si grande importance à la langue utilisée pour écrire ; que ce soit en malgache, en anglais ou en français. Ce n’est pas un devoir, c’est la langue qui s’impose en moi.

M.D : Les bons et mauvais côtés du métier d’auteur à Madagascar ?

Je vais commencer par les mauvais côtés. Partout dans le monde, c’est toujours dur. Mais à Madagascar, c’est plus dur étant donné les circonstances. Les auteurs en exercice à Madagascar doivent se battre un peu plus. Il faut être polyvalent, fou et réaliste. J’essaie toutefois de ne pas me lamenter sur la situation. Si cela pouvait déboucher à des solutions, je me lamenterais souvent, mais comme ce n’est pas le cas, je préfère me focaliser sur les solutions. Pour les bons côtés, il y en a j’imagine [rire]. On se sent comme un aventurier ou un pionnier. C’est une sensation assez inédite de faire entrer quelque chose qui, pratiquement, n’existe pas ou n’existe plus. Et j’apprécie cela, c’est un challenge que je relève.

M.D : Quel est le cadre de travail idéal de Môssieur Njo ?

C’est assez simple. Je n’ai besoin que d’une table, un stylo, un cahier ou un ordinateur. Dans un endroit calme où je suis seul avec mes pensées. Ce n’est pas très demandant. Quant au temps, je travaille généralement durant le jour, durant la nuit je réfléchis.

M.D : Que penser de la littérature malgache actuelle ?

On pourrait bien entrer dans une nouvelle ère de la littérature malgache avec des jeunes qui en veulent et qui écrivent des choses intéressantes. On devrait, mais on n’en est pas encore là.

M.D : Est-ce facile d’être publié ?

Pas du tout. Ce n’est pas facile. D’autant plus qu’il n’y a pratiquement pas de maison d’édition localement. Et le peu qui est en activité ne fonctionne pas comme on se l’imagine. Le monde de l’édition et de la littérature est triste à Madagascar. D’une certaine manière, tout est à réinventer.

M.D : Que fait Môssieur Njo en dehors de l’écriture ?

Je fais beaucoup de choses en même temps. J’ai étudié le cinéma indépendant à Berlin grâce à une bourse d’études. Aussi, de temps à autre, j’exerce le métier d’auteur réalisateur et scénariste. Sinon, je suis aussi artiste conceptuel. J’expose dans des galeries quand on m’en donne l’opportunité.

M.D : Peut-on envisager une adaptation de Lisy Mianjoria au cinéma ?

C’est envisageable mais ce ne sera pas moi qui vais la produire. Si je fais un long-métrage un jour, je travaillerai sur d’autres projets.

M.D : Avez-vous un livre préféré ?

[Hésitation]… Il y en a tellement. Je dirais Jean-Christophe Rufin ! Ces temps-ci, je lis les romans de cet auteur comme Le Tour du Monde du Roi Zibelin qui, d’ailleurs, se déroule à Madagascar durant le 18ème siècle. Cependant, ce n’est pas mon livre préféré, je dirais que j’ai des auteurs préférés, pour ne citer qu’Isaac Asimov, E.D Andriamalala ou encore Jacques Prévert.

M.D : Est-ce important de lire beaucoup de livres quand on est écrivain ?

Bien évidemment. Quand on est architecte, il faut savoir admirer les maisons. Quand on est musicien, on écoute beaucoup de chansons. Donc je pense que c’est important de lire quand on est écrivain.

Avant de nous quitter, Môssieur Njo nous a confié qu’il est sur le point de finaliser un gros projet bilingue, fançais-malgache. On attend la sortie officielle de cette œuvre.

Propos recueillis par Anja RANDRIAMAHEFA

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