Le problème de l’application de la loi réside dans la mauvaise définition de la torture.
Trois ans après la ratification de la Convention internationale sur la lutte contre la torture, Madagascar a adopté sa propre loi contre la torture et autres peines ou traitements cruels, en 2008. Il existe donc un texte qui interdit cette pratique ayant tendance à fausser les résultats des interrogatoires. «Mais elle est encore très peu connue et du coup, mal appliquée», se désole Laure Rabetokotany, responsable d’ACAT Madagascar ou Action chrétienne pour l’abolition de la torture. La méconnaissance de cette loi est alors à l’origine du mauvais cadrage de la torture, selon toujours cette responsable. «La seule torture que nous avons toujours connu est celle qui implique les agents publics et les personnes élues. Cependant, même les hommes qui battent leurs femmes, les violences dans les centres de détention, ou toutes les formes de violences faites par les patrons des entreprises peuvent être qualifiées de torture. C’est pourquoi nous devons penser à redéfinir ce qu’est réellement la torture. Ce qui devrait nous amener à penser à la réforme des textes existants», poursuit Laure Rabetokotany. Et les premières tentatives de réforme datent de l’année dernière. De ce fait, la finalisation de cette réforme demeure encore incertaine, comme l’a souligné d’ailleurs, Hanitriniaina Belalahy, directeur des Droits humains et des Relations avec les Institutions auprès du ministère de la Justice. «Procéder à ce changement nécessite par exemple la réalisation de plusieurs ateliers qui doivent servir à récolter les avis de tous les participants, incluant les propos des experts nationaux et internationaux sur les droits de l’Homme. Sans parler des diverses autres procédures institutionnelles», dit-elle. A l’entendre, l’on peut dire que cette réforme n’est pas encore pour l’année prochaine, ni pour celle d’après.
Recommandations. En fait, la torture est une forme d’infraction assez compliquée, comme l’a toujours expliqué Hanitriniaina Belalahy. «Il est parfois difficile d’en apporter la preuve», rajoute-t-elle. Avant de dire: «La torture se manifeste généralement dans des endroits cachés. Elles peuvent se dérouler lors des gardes à vue, durant les procédures d’enquête au tribunal, ou dans les prisons. Du coup, il nous est difficile d’établir une statistique exacte concernant la torture». Quid des brutalités policières qui se produisent souvent à Madagascar, comme c’était le cas avec Jean-Pierre, meneur de grève à Ankatso. Quoi qu’il en soit, elle reconnaît au passage que son département a reçu des remarques à propos de cette loi contre la torture. «Nos partenaires recommandent que la loi de 2008 doit en même temps être appliquée davantage avant de procéder à cette réforme», rapporte Hanitriniaina B.
Atelier de deux jours. C’est justement pour faciliter la compréhension de cette loi 2008 que l’ACAT Madagascar, avec l’appui de l’Association pour la prévention de la torture (APT), une organisation internationale basée à Genève et du ministère de la Justice, organise pendant deux jours un atelier axé sur la formation des formateurs. Concrètement, ce séminaire porte sur le thème de la prohibition et la prévention de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou dégradants. Cette formation cible les enseignants des écoles et instituts de formation des responsables de l’application des lois ainsi que d’autres personnes ressources. «La formation ne peut pas être une solution complète pour abolir la torture. Mais elle devrait néanmoins appuyer à une meilleure compréhension des textes en vigueur», confie Jean Baptiste Niyizurugero, responsable de l’APT. Cet atelier bénéficie du soutien financier de l’Ambassade de Suisse à Madagascar.
Arnaud R.