(En périodes de vacances, il est d’usage dans la presse où tout semble être au ralenti de reprendre des productions ayant eu le plus d’échos)
L’on dira ce que l’on voudra mais le fait de réduire à 0% les droits et taxes d’importation des friperies à Madagascar n’est pas opportun. Les fripes ont tué une filière : celle du textile du pays. Des emplois ont été détruits et des activités disparues. Que sont devenus les champs de coton où les paysans du Sud-ouest et de l’Ouest pouvaient tirer des revenus complémentaires à côté de ceux de leurs activités agricoles traditionnelles ? Que sont devenues les unités de filature et de tissage et leurs milliers d’ouvriers ? Qui approvisionnent les zones franches d’usines de confection ? Où sont passées les couturières et leur savoir-faire des marchés qui cousaient une chemise, une robe en quelques minutes ? Et même la culture passe à la trappe, par exemple, dans le Sud-est, il est de coutume d’étrenner obligatoirement lors des fêtes ou des cérémonies traditionnelles des habits neufs, surtout à la campagne. Des défilés de paysannes en Gucci, Celio etc. dansant le batrelaka deviennent maintenant le clou des fêtes. Pourquoi ? Parce que les fripes sont bon marché, plus solides et parce qu’elles sont plus chic et suivent donc la mode, celle de la mondialisation. Cette invasion observée ne date pas de maintenant. A Madagascar, les Dames de la deuxième République s’en donnaient déjà à cœur joie de faire venir des conteneurs à tour de bateaux et tous les intervenants avaient bonne conscience. D’un côté, les importateurs pouvaient mettre sur le marché des articles à la portée de toutes les bourses devenues de plus en plus plates, en faisant au passage de substantiels bénéfices suivant la formule , recettes égales bénéfices . Et de l’autre côté, les vrais fournisseurs (les primo usagers et les organismes de charité) sont ravis de leurs bonnes actions.
Cette année 2016, l’Accord de Partenariat Economique intérimaire (APEi) avec l’Union Européenne dont Madagascar est signataire marque un tournant. Désormais, la collecte et la gestion des vêtements de « deuxième main » sont devenues des activités pourvoyeuses d’emplois et de ressources dans les pays développés. La nouvelle directive : « Rien ne se jette, tout se conserve » est de rigueur. Et c’est payant, dans ces pays européens où de plus en plus de personnes exclues du monde du travail sont réinsérées dans les centres de tri, de réparation, de recyclage et enfin d’expédition des vêtements non récupérables et non recyclables. Le chômage se trouve ainsi en partie résorbée. En plus, les associations caritatives récupèrent avec les fruits de la revente de quoi financer et les projets de développement dans les poches de pauvreté dans le Nord et dans les océans de misère du Sud. Enfin, cette décision voulue par l’Europe nous laisse des images assez loquaces d’une part, cette image d’une classe moyenne devenue décomplexée de porter fripes ou « freedom » pour dire autrement et d’autre part l’aller et retour de ces biens primaires partant de nos zones « affranchies » d’impôts et taxes pour nous revenir, après usage , « blanchies » d’obstacles tarifaires et creusant encore le manque à gagner de l’Etat. Tout se conserve : pauvreté comme richesse.
M.Ranarivao