- Publicité SW45 -
samedi, avril 20, 2024
AccueilCultureLovatiana Harinaivo - conservateur des traditions : « Il est interdit de jouer...

Lovatiana Harinaivo – conservateur des traditions : « Il est interdit de jouer au ‘’fanorona’’ durant la saison de pluies »

L’Ivotoeran’ny Kolontsaina Malagasy a programmé une conférence débat sur les « valeurs et souveraineté nationale », avec Lovatiana Harinaivo qui se dit conservateur de la tradition, devant une assistance d’environ dix personnes. Il a répondu à quelques questions.

Midi Madagasikara : Valeurs et souveraineté, pouvez-vous définir ces deux concepts ?

Lovatiana Harinaivo : La plus simple définition du « soatoavina » (valeurs en français), ce sont les bienfaits et les sagesses hérités de nos ancêtres. Les descendants actuels devraient les respecter pour harmoniser la vie en général. La souveraineté est la base sur laquelle se tient un pays et sa fierté nationale sur tous les plans. Le peuple et les dirigeants devraient avoir conscience de son existence et de sa sacralité. Trois choses définissent la souveraineté : souveraineté territoriale, le peuple et l’Etat. Ces trois sont inséparables. Il est vital de les considérer ensemble, de les équilibrer et de les coordonner si on veut se développer. Qu’on le veuille ou non, la souveraineté est tributaire des valeurs, de la culture.

MM. : Le monde a changé, pour ne citer que l’économie, est ce que les valeurs ne devraient pas suivre ou se mettre à jour par rapport à ces mutations ?

LH. Le troc fût un des fondements de l’entrepreneuriat, il a donc été à la base de l’économie depuis toujours. Cela n’empêche pas le développement, s’ouvrir est bon, mais il ne faut pas laisser de côté ce qui nous appartient.

MM. : S’ouvrir, un bien grand mot… Dans la pratique c’est quoi ?

LH. En parlant de s’ouvrir, nous pouvons le faire sur plusieurs secteurs économiques. Tout en gardant notre identité qui, depuis, a déjà réussi à nous développer. Il faut faire des efforts pour populariser petit à petit et réveiller de nouveau ces valeurs. Madagascar ne pourra jamais se développer s’il ne revient pas sur sa vraie souveraineté. J’admets qu’il y a des gens qui en ont beaucoup parlé, mais le problème n’a jusqu’à maintenant pas été résolu.

Il y a même des institutions qui ont été mises en place concernant la réconciliation, mais n’ont rien résolu. De ce fait, Madagascar a besoin des gardiens de la sacralité et c’est pour cela que nous nous tenons debout. Par exemple, si on se base sur le troc et sur la question de s’ouvrir, les échanges commerciaux entre Malgaches et étrangers peuvent prendre plusieurs formes. Il y a aussi les échanges culturels, par ailleurs, chaque partie garde sa souveraineté.

MM. : Les échanges culturels peuvent amener à des colonisations culturelles…

LH. Il n’est pas possible de coloniser culturellement un pays si celui-ci garde sa culture. Si les Malgaches se trouvent encore dans la difficulté et la pauvreté, c’est à cause de l’absence de souveraineté. Je m’explique, nous ne nous développerons que si les politiques et les dirigeants font revenir la souveraineté.

MM. : Est-ce que nos lois, par exemple la Constitution, reflètent nos valeurs ?

LH. Oui, nos valeurs s’y reflètent, mais c’est seulement sur le papier. De ce fait, c’est aux politiques et aux dirigeants, en premier lieu, de raviver cette souveraineté. Et en faire une priorité. A eux d’éduquer et de diriger le peuple.

MM. : Et que pensez-vous des cas de viols ou de détournement de mineurs qui sont arrangés à l’amiable au nom du vivre-ensemble ou « fihavanana » ?

LH. Pour les cas de viols, il faut appliquer la loi. Punir le violeur. Le « fihavanana » est utile dans un contexte donné. Nous devons nous connecter avec notre territoire, éviter les tabous, respecter les coutumes si nous voulons nous sortir de la pauvreté. Les dirigeants devraient fraterniser et se consacrer au bien du peuple, s’ils veulent rester longtemps au pouvoir.

MM. : Par quelle méthode ?

LH. Éduquer au fur et à mesure, éclairer. Les coutumes et les tabous sont tributaires des lois naturelles qu’il faut respecter si nous voulons nous développer et connaître le bonheur. Les lois existent, mais la volonté des politiques est inexistante. Pourtant, ils disent qu’ils veulent développer le pays. Il y a amalgame. La loi sur la culture existe à Madagascar, c’est déjà écrit, il faut l’appliquer. Par ailleurs, les lois naturelles, ce sont les coutumes et les tabous à respecter. Par exemple, il est interdit de jouer au « fanorona » durant la saison des pluies parce que cela attire la foudre. Dans les temps anciens, ce jeu a été utilisé pour les bloquer.

MM. : Cela ne serait-il pas drôle que l’Etat décrète qu’il est interdit de jouer au « fanorona » les jours de pluie ? Les gens trouveraient cela puéril…

LH. C’est un exemple, celui qui veut en rire en a le droit. Vous avez demandé un exemple concret. Ceux qui sont ouverts d’esprit n’en rient pas. Beaucoup sont ceux qui ont déjà l’esprit ouvert.

MM. : Donc, bloquer les foudres qui sont créées par le biais de lois naturelles, ce n’est pas quelque part contrer les lois naturelles ? C’est à y perdre son latin…

LH. Oui, on peut le faire pour protéger le peuple.

MM. : Votre vision nécessite plusieurs générations avant d’aboutir…

LH. Pas besoin de beaucoup d’années, seules comptent la volonté et la décision des dirigeants.

MM. : Depuis un certain temps, les coutumes traditionnelles regagnent de plus en plus de pratiquants et pratiquantes. Est-ce que ce n’est pas aussi une occasion pour les charlatans d’opérer ?

LH. Pour ma part, je garde ceux que mes ancêtres ont laissé. Je ne suis pas un chercheur, je suis un conservateur. Et nous sommes très peu. Les raisons de se montrer est que Madagascar doit retrouver sa souveraineté. Personnellement, j’applique encore les us des temps anciens. Pour nous c’est dans notre sang. Les charlatans ne pourront jamais dominer.

Recueillis par Maminirina Rado

- Publicité -
- Publicité -
Suivez nous
276,361FansJ'aime
4,243SuiveursSuivre
611AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici