
Vent d’été s’engouffrant par une fenêtre soudain ouverte d’une pièce du rez–de–chaussée sombre, oubliée et scellée depuis des lustres. Voilà en somme, le rap du jeune Geoscar. Il y a ce quelque chose de violent, dans son ardeur et ses sentiments. Et une sorte d’apaisement à force d’écouter un titre comme « Ny tanjoko », en featuring avec Wada. La polyphonie est virile, vraie, mature… étonné face à la timidité de post–ado du jeune homme.
Il est fort à parier que Geoscar va monter en grade dans ce milieu en quête d’un nouveau souffle. Des textes limpides, il avale peu les syllabes. Une diction d’une aisance saisissante avec la langue malgache. Le rap tananarivien a parfois cela en défaut, entre les textes sans une once de fond idéologique et une manière de parler de gitan. Avec cet artiste, le rap respire, qui s’épanouit en vraie musique. Des messages de « motivation », sans concession quand il entonne « On ne m’a pas béni pour lêcher les bottes ni être un épigone ».
Voilà pour le côté musical. Sauf que le rappeur est un « gars » comme les autres. La génération ’90, capable du meilleur comme du pire. Du meilleur, quand avec sa rage de s’affirmer, elle décoiffe la morale dominante et archaïque. Tout le monde sait où elle a mené ce pays. Du pire, quand elle démontre un manque flagrant d’intellectualité et sans volonté de s’en sortir. Alors pour démontrer qu’il connaît ce côté obscur, Geoscar chante. « J’ai perdu mon temps à prendre mon élan, pourtant le temps passe vite », dans « Teo amin’ny fitaratra », littéralement : face au miroir.
Geoscar Annicet Nomenjanahary aura 21 ans au mois de juillet. Il a vu le jour à Maevatanana, une ville chaudière dans l’ouest de Madagascar. Cependant, « j’ai grandi à Ankatso et j’y suis encore jusqu’à maintenant », fait-il savoir. Le rap, avec qui il a commencé à se coltiner en 2015, l’a motivé à suivre des études en anglais à l’université d’Antananarivo. « Parce que le rap a débuté dans un pays anglophone, l’anglais me permettra d’approfondir et d’élargir mes horizons », ajoute-t-il. Du coup, au-delà de la sphère marketing du rap US. Il peut d’un autre côté s’imprégner des grands messages de cette culture afro-américaine.
Le jeune homme fait partie de cette génération 2000, pointée du doigt comme étant une « génération looser ». Geoscar le comprend et l’assume, les paroles d’un conscient. « Il y a un manque flagrant de vrai message dans notre société. Cette génération en a besoin, elle n’a pas reçu de vrais messages pourtant, elle n’a vraiment pas été confrontée aux vrais enjeux de la vie. Étant obnubilée par les écrans et en comptant toujours sur ses parents », analyse-t-il. Avant d’ajouter, « mais elle est une génération large d’esprit. Parmi elles, il y en a qui ont réalisé de grandes choses. Elle est facile à être orientée même si elle est hypnotisée par les nouvelles technologies ».
Le dernier produit de Geoscar en date est un EP, un mini album en quelque sorte, intitulé « Kodiaran–tsarety », pour dire que la roue tourne. Le disque sonne juste. Si le jeune homme se targue d’être de la nouvelle école. La présence de jeux sonores des années ’50 jusqu’aux années funk et soul apportent une épaisseur musicale satisfaisante. « C’est un choix, ces rythmiques soft et nostalgiques collent plus aux textes », avoue-t-il. L’année 2021 s’ouvre donc à ce jeune rappeur, avec une attente de plus en plus marquée des amateurs du genre à Madagascar.
Maminirina Rado