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samedi, mai 24, 2025
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Naivo Marius Rakotozafindrabe : « Une démocratie corrompue est une démocratie finie ! »

Naivo Marius Rakotozafindrabe est un des rares grands commis de l’Etat non inféodés à un parti politique. Réputé pour son intégrité légendaire, sa grande culture, sa polyvalence et son franc-parler, il a bien voulu répondre à nos questions. Interview.

Midi : Comment voyez-vous la situation politique et sociale actuelle ?

Rakotozafindrabe Naivo Marius (RNM) : « Nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Nous sommes toujours dans la crise. Et deux facteurs fondamentaux caractérisent cette situation de crise qui perdure. Un : les blessures du passé, avec des séquelles patentes. Et de deux : des dérives unanimement constatées qui sont tout aussi patentes. Même nos dirigeants actuels le reconnaissent, et c’est là un signe tant d’objectivité que de maturité politique. En effet, dans l’exposé des motifs de la loi n°2016-037 relative à la Réconciliation Nationale, promulguée le 02 Février 2017, il est clairement stipulé que nous avons encore à gérer une crise dont les origines sont, entre autres,  « les faiblesses institutionnelles engendrant le non-respect de l’Etat de droit et le déséquilibre dans le fonctionnement et dans la répartition inéquitable des ressources nationales par manque de volonté politique pour une réelle décentralisation ».

Midi : Ce sont donc là des dérives constatables actuellement, des dérives graves et décrites sans complaisance. Mais quid des « blessures du passé » que vous avez évoquées ?

RNM : « Dans l’exposé des motifs de ladite loi, c’est clair et net, « tiennent aussi une place importante à l’origine des crises les rancoeurs laissées par les guerres intertribales de la période monarchique, les séquelles des rivalités entre Malgaches depuis la période coloniale, l’exclusion sociale et les inégalités engendrées par la survivance et la résurgence du clivage entre castes ». Vous voyez, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Notre pays est malade. La nation est au bord de l’implosion des institutions et de l’explosion sociale. Au bord, tout au bord, car personne n’a encore fait une thèse sur la capacité de résilience des Malgaches. On sait seulement que lorsque l’on en est au  « tsotsori-mamba isarahana », les gens seront  inéluctablement dans la rue  et ce sera une overdose d’aventurisme politique car nul ne saura, si c’est le cas,  qui prendra le pouvoir.

Midi : Que faire ? Quelles solutions proposeriez-vous ?

RNM : « Des solutions ont été avancées par des organisations de la société civile, par des Eglises ou des Fédérations d’Eglises, par des Syndicats, par vous les Journalistes, par des Citoyens, par la Diaspora Malgache, par nos Partenaires Techniques et financiers. Il faut capitaliser ces diverses propositions. Il faut les transformer en une vision de consensus. Comme l’avait dit si bien le Pape Jean Paul II, « Assez de regrets, il faut agir. Les paroles de circonstance et les déclarations d’horreur réitérées ne suffisent plus. Trop de mots ont été dits, trop de justifications théoriques ont été avancées, trop de circonstances atténuantes ont été invoquées. Le temps d’agir en connaissance de cause, avec des intentions précises, des plans sérieux, coordonnés et efficaces est arrivé ».

Midi : Vous pensez que l’action des Magistrats regroupés au sein du SMM, y compris dans leur détermination dans l’affaire Claudine Razaimamonjy fait partie des solutions ?

RNM : « La Justice a besoin d’une grande réforme en profondeur. Cette réforme n’a jamais été faite. Chaque fois, on colle des « rustines », on fait des « tip top », on alourdit le système, pire encore on discrédite les magistrats en mettant en place des organismes parallèles à l’instar du BIANCO ou du SAMFIN, comme pour dire publiquement que l’on ne peut plus faire confiance à nos juridictions, alors qu’il aurait suffi de créer un parquet anti-corruption. Cela prouve qu’on ne veut pas aborder les vrais problèmes de fond. Les politiques ont d’ailleurs  déjà eu mille fois la possibilité de réformer le système judiciaire. Ils ne l’ont pas fait. Vous croyez que les acteurs politiques, toutes tendances confondues, ont intérêt à changer un mode de fonctionnement qui les protège ? Alors oui, quand vous êtes magistrats et que vous  avez un statut qui fait office de « camisole » statutaire, quand vous êtes démunis ou impuissants, quand vous ne pouvez instruire une affaire sensible sans le concours direct ou indirect des médias, car si la presse ne parle pas de votre affaire, elle est « enterrée », alors oui vous passez à un autre mode de combat, vous prenez l’opinion à témoin. Il y a peu de contrepoids. La presse en est un. Une démocratie corrompue est une démocratie finie. Il faut dénoncer la corruption, sortir des « affaires » dans les journaux, laisser le projecteur braqué. Encore et encore. Cela reste un des rares moyens de ralentir la progression de la maladie.

Midi : Le mot de la fin, monsieur Naivo Marius ?

RNM : « La « grande muette » qu’est la Justice est en marche. Il y a comme un sursaut moral évident, un réveil des consciences. On n’empêche pas le mouvement de l’Histoire. Et l’histoire est marquée, comme l’écrivait Hegel, par le progrès de la Raison. Le mouvement de libération de la Justice est inéluctable. Je crois en la légitimité ainsi qu’à l’inéluctabilité de ce mouvement d’émancipation de la Justice.

Recueillis par Dominique R.

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