
Sans verser dans des considérations tribales et ethniques, force est de constater que le plus haut commandement du pays échappe aux côtiers ces 17 dernières années.
De 1960 à 2001, Madagascar a été gouverné par trois présidents de la République originaires des régions côtières. Il s’agit du président Philibert Tsiranana, du président Didier Ratsiraka et du président Zafy Albert. Bon nombre d’analystes politiques et la plupart de celles ou ceux qui connaissaient l’Histoire du pays avaient cru à cette époque-là que les natifs des Hautes Terres (Antananarivo) n’avaient pas la chance d’accéder à la magistrature suprême. Or, Marc Ravalomanana, un petit laitier d’Imerinkasinina devenu chef d’entreprise, a brisé le « tabou » en 2001. Il a été élu président de la République en 2002. Marc Ravalomanana était le premier président « Merina » de la Grande Ile. Depuis ce 2002 et jusqu’à nos jours, la magistrature suprême du pays échappe aux côtiers. Cela fait déjà 17 ans. Et ce bien qu’un candidat ne puisse gagner une élection présidentielle à Madagascar sans les voix des côtiers. Après Marc Ravalomanana, un autre personnalité originaire d’Antananarivo Andry Rajoelina a pris le pouvoir dans la rue et a gouverné le pays pendant une transition de cinq ans. En 2013, Hery Rajaonarimampianina, originaire d’Antsofinondry (Sabotsy Namehana Antananarivo), a remporté une élection présidentielle qui a marqué le retour à l’ordre constitutionnel à Madagascar. Force est de constater que depuis 2002, aucun grand candidat côtier n’a été présent dans les courses à la magistrature suprême. Et si le même constat s’impose en 2018, le pouvoir échappe aux côtiers pour le prochain mandat présidentiel.
Règle non-écrite. Une personnalité côtière à la magistrature suprême du pays a été considérée comme une règle non-écrite depuis l’Indépendance jusqu’en 2001. Les Constitutions successives n’ont pas pourtant interdit aux côtiers d’accéder au pouvoir. C’était également le cas pour le fait que si le président de la République est un côtier, son premier ministre doit être une personnalité issue des Hautes Terres. Cette deuxième règle non-écrite n’a pas été valable pour le président Philibert Tsiranana, car il n’avait pas de premier ministre. Le Père de l’Indépendance a opté durant ses mandats pour un présidentialisme tempéré (Exécutif à une seule tête). C’est Didier Ratsiraka qui a appliqué durant ses mandats cette règle non-écrite. Il a nommé à Mahazoarivo des personnalités issues des Hauts Plateaux : Joël Rakotomalala, Justin Rakotoniaina, Désiré Rakotoarijaona et Victor Ramahatra. Pendant la transition de 1991, Guy Willy Razanamasy a été le premier ministre de « Deba ». Revenant au pouvoir en 1996, Didier Ratsiraka n’a toujours pas dérogé à la règle en nommant premiers ministres Pascal Rakotomavo et Tantely Andrianarivo. Ceux qui avaient dérogé à cette règle non-écrite n’ont pas pu terminer leurs mandats. C’était le cas pour le président Zafy Albert qui avait successivement nommé deux premiers ministres côtiers à Mahazoarivo : Me Francisque Ravony et Emmanuel Rakotovahiny. Zafy Albert a été empêché par les députés à la troisième année de son seul mandat. Pour sa part, si Marc Ravalomanana s’est soumis à la règle durant son premier mandat en nommant Me Jacques Sylla, il y a dérogé au début de son deuxième quinquennat en optant pour le Général Charles Rabemananjara, une personnalité des Hautes Terres. Comme le Pr Zafy Albert, Marc Ravalomanana n’a pas pu terminer son deuxième mandat.
Equilibre régional. Le principe de l’équilibre régional figure également parmi les règles non-écrites appliquées même sans être consacré par les Constitutions, par certains de nos dirigeants successifs. Depuis 1960, quatre provinces avaient eu la chance d’avoir leurs natifs à la magistrature suprême : Philibert Tsiranana pour Mahajanga, Didier Ratsiraka pour Toamasina, Albert Zafy pour Antsiranana, Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina pour Antananarivo. Les provinces de Fianarantsoa et de Toliara n’avaient pas encore jusqu’à présent cette chance. Le principe de l’équilibre régional constitue surtout un paramètre important dans la composition d’un gouvernement. Les présidents successifs s’en souciaient, car aucun gouvernement n’a été depuis 1960 composé uniquement des côtiers ou des personnalités issues des Hautes Terres. Même le Pr Zafy Albert qui avait ignoré la règle non-écrite « président côtier et PM des Hautes Terres » avait nommé des ministres issus des Hautes Terres, pour ne citer que Tovonanahary Rabetsitonta, José Yvon Raserijaona, Pierre Andrianantenaina, Alain Ramaroson, Jean Claude Raherimanjato, Herizo Razafimahaleo et Henri Rasamoelina… La question de nombre a pourtant posé des problèmes. Des déséquilibres numériques ont été constatés dans certains gouvernements.
R. Eugène