« Indépendamment d’une poursuite pénale, le ministère public peut demander au Président du Tribunal de première Instance que soit confisqué en faveur de l’Etat, les avoirs d’une personne mise en examen pour corruption ». Telle est la disposition de l’article 38 du projet de loi sur le recouvrement des avoirs illicites. Comme le projet de loi de finances pour 2018, ce nouveau texte réglementaire risque de passer comme une lettre à la poste à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et ce, en raison de cette habitude de nos parlementaires de ne pas examiner à fond les projets de texte qu’on leur soumet.
Arbitraire. Et pourtant, ledit projet de loi est considéré dans le milieu judiciaire et celui des affaires comme allant à l’encontre du principe de la présomption d’innocence. En effet, la confiscation des avoirs considérés comme illicites est déjà, en soi, une condamnation pour la personne visée. Alors même qu’il n’y a pas eu poursuite pénale, comme l’indique cet article 38. Le caractère arbitraire de cette loi est d’ailleurs démontré dans son article 36 qui établit indirectement que la personne concernée, mais dont les avoirs seraient déjà confisqués, peut ne pas être fautive. Cet article 36 dispose en effet que : « En cas de décision de relaxe ou d’acquittement de la personne poursuivie, la juridiction pénale compétente restitue de plein droit les biens et avoirs visés par la poursuite ». Pire, même en cas de non- condamnation, les avoirs peuvent quand même être confisqués comme le prévoit cette loi : laquelle prévoit que s’il est établi que les biens présentent un caractère dangereux pour l’ordre public, ou s’ils ont servi à la commission ou à la facilitation de la commission d’une infraction quelconque, la restitution ne sera pas possible.
Elections 2018. D’après les explications, ce projet de loi est destiné à compléter le dispositif de lutte contre la corruption. Mais dans la pratique, il ouvre la voie à toute forme d’abus et d’arbitraire de la part de l’Administration qui pourrait prétexter des avoirs illicites pour éliminer des adversaires politiques, dans la perspective des élections de 2018. La question qui se pose alors est de savoir si les députés vont cette fois-ci faire preuve d’un peu plus d’intelligence et ne pas gober simplement ce projet de loi qui n’est en fait qu’une arme politique susceptible d’atteindre tout le monde. Et même les actuels parlementaires eux-mêmes.
R.Edmond.