Deux Conseils des ministres en l’espace de deux jours à Iavoloha avec au menu, les règles du jeu des échéances électorales de 2018, tout particulièrement la prochaine présidentielle. Le même plat de résistance sera probablement servi lors du conseil décentralisé de ce jour à Mahajanga.
Le premier Conseil des ministres s’est tenu le dimanche 19 novembre avec comme ordre du jour : « Première lecture de l’avant-projet de loi organique relative à l’élection du président de la République ». Le second a eu lieu le mardi 21 novembre autour du même sujet avec la lecture de trois avant-projets de loi organique portant respectivement sur le régime général des élections et des référendums ; de l’élection du président de la République ; et de l’élection des députés de l’Assemblée nationale ».
Ni…ni… déguisé. A l’image des deux communiqués publiés à l’issue des deux Conseils, pas le moindre détail n’a été donné et aucune information n’a fuité par rapport à ces trois avant-projets de loi quand bien même les élections devraient être transparentes et inclusives tel que le dit et le redit ces derniers temps l’ensemble de la communauté internationale comme s’il y avait anguille sous roche. On a d’ailleurs appris de source auprès d’une chancellerie étrangère que le gouvernement serait en train de concocter des règles électorales s’apparentant à « un ni… ni… déguisé ».
Filtrage. Concrètement, le projet consisterait (le conditionnel est de rigueur tant que ce n’est pas adopté) à instaurer un système de parrainage d’élus pour les candidats à la magistrature suprême. « Cela se fait par exemple dans un pays démocratique comme la France », selon un inconditionnel du régime en place qui semble confirmer implicitement l’information parvenue à la chancellerie en question et partagée probablement entre les autres représentations étrangères implantées à Tana. Y compris sans doute au niveau de l’ambassade du pays pris à titre d’exemple par notre « Cravate bleue ». De France. Pour citer ledit pays où les parrainages par des élus constituent un système de filtrage ou une manœuvre de sélection des candidatures trop nombreuses ou farfelues. En tout état de cause, l’objectif n’est nullement d’éliminer des adversaires redoutables ou redoutés.
Clause de représentativité. En France, 500 parrainages (sur environ 15 000 élus) sont requis pour pouvoir être officiellement candidats à la présidence de la République. Il y a en plus une clause de représentativité nationale qui veut que les parrainages doivent émaner d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans dépasser le 1/10e soit 50 élus au maximum pour un même département ou collectivité d’outre-mer. Par ailleurs, chaque élu n’a droit qu’à un parrainage et en cas de désistement de son candidat, il ne peut plus parrainer un autre. Mais qui sont ces élus ? Il s’agit entre autres de maires, de maires délégués d’arrondissement pour Paris, Marseille et Lyon ; de présidents d’organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines et d’agglomération ; de présidents des communautés de communes ; de conseillers départementaux et régionaux ; de conseillers territoriaux ; de conseillers à l’assemblée des Français de l’Etranger… Toujours en France, une proposition de loi de 2007 visait à instaurer un système mixte de sélection des candidats par 500 parrainages d’élus ou 500 000 signatures de simples citoyens.
Verrouillage. Si le système de parrainages d’élus venait à être inséré dans le système électoral malgache, il suffirait pour le régime en place de fixer le nombre de signatures requis en fonction de l’effectif des élus HVM afin d’écarter automatiquement des candidats qui ne comptent pas suffisamment d’édiles à travers tout le pays. Le verrouillage serait presque total si les parrainages doivent émaner d’élus issus de communes, districts et régions de différentes parties du territoire. Un candidat qui n’a pas assez d’ancrage aux quatre coins du territoire serait éliminé d’office de la course à Iavoloha. Même topo au niveau des parlementaires où le candidat du HVM ferait main basse sur les parrainages des membres de la Chambre haute tout en ayant la haute main sur ceux de la Chambre basse. Sans parler du millier de maires élus sous les couleurs du parti au pouvoir qui commence d’ailleurs à déployer son rouleau compresseur sur tout le pays.
Pressions et corruption. Même en France, ce système de parrainage fait l’objet de critiques dans la mesure où leur nombre n’est pas forcément en rapport avec le poids du candidat. En 2017, François Fillon a recueilli 3 635 signatures d’élus. Contre 1 829 pour Emmanuel Macron et 627 pour Marine Le Pen qui sont pourtant parvenus au second tour. Le système est aussi critiquable dans la mesure où il ne laisse pas de place aux candidats issus du peuple ou hors système, c’est-à-dire qui ne disposent pas de parti. Ni d’élus qui ne sont du reste pas à l’abri de pressions surtout dans les petites collectivités. A Madagascar, l’histoire des élections a montré que les élus des localités éloignées ou enclavées faisaient souvent l’objet d’intimidations et de chantages de la part du pouvoir en place. Sans oublier les tentatives de corruption dans les deux sens, c’est-à-dire aussi bien de la part de l’élu qui peut monnayer son soutien ou du candidat qui le sollicite. Il y a enfin la HCC dont le rôle pourrait être celui du Conseil Constitutionnel français qui contrôle toute la procédure de parrainage. Et ce, toutes proportions gardées car la France n’est pas Madagascar. Tout autant que les élus français ne sont pas essentiellement des « olomboavidy ».
d.r.