Il était l’homme le plus recherché du pays depuis le naufrage meurtrier du M/S Francia III, survenu en décembre 2021. Antonio Norbert, capitaine et propriétaire du navire, a été arrêté dans l’Est de Madagascar. Retour sur une tragédie évitable et les failles d’un système maritime à la dérive.

Trois ans de fuite, une arrestation discrète
Le capitaine Antonio Norbert a été arrêté mardi à Bazary Tantsaha-Ambinany, un village reculé du district de Soanierana Ivongo, sur la côte Est. Il faisait l’objet d’un mandat de recherche depuis le 30 décembre 2021, dix jours après le naufrage du M/S Francia III, un cargo surchargé qui avait coulé au large de la côte orientale, provoquant la mort de 88 personnes. Disparu avec son équipage depuis le drame, le capitaine aura échappé pendant près de trois ans aux autorités. Son arrestation marque un tournant dans une affaire que beaucoup considèrent comme la plus grande catastrophe maritime de l’histoire du pays.
Un cargo transformé en ferry clandestin
Le 20 décembre 2021, le M/S Francia III quitte illégalement le port de Soanierana Ivongo. Le navire, officiellement destiné au transport de marchandises, embarque plus de 130 personnes, sans autorisation ni matériel de sécurité adapté. Selon des témoins, la ligne de flottaison était déjà sous l’eau au moment du départ. Pris dans une mer agitée, le bateau chavire quelques heures plus tard. Bilan : 88 morts, la plupart des passagers noyés. Seules 45 personnes seront secourues, notamment grâce à l’intervention de pêcheurs locaux.
Une chaîne de négligences
Rapidement, les responsabilités se précisent. Dès février 2022, treize personnes sont arrêtées et déférées au parquet de Fenoarivo Atsinanana. Elles sont depuis en détention provisoire. Parmi elles : trois employés portuaires, témoins du départ du navire sans réagir ; quatre contrôleurs maritimes, absents ou négligents le jour du drame ; deux membres d’une coopérative maritime, accusés de complicité passive ; deux marins d’un autre navire, qui ont aidé au transbordement de passagers ; deux cuisiniers, montés à bord et n’ayant pas signalé le danger. L’enquête révèle une série de manquements graves et de failles systémiques dans le contrôle du transport maritime.
Le transport maritime côtier en crise
Le naufrage du M/S Francia III n’est que la partie émergée de l’iceberg. Sur les côtes de Madagascar, le transport maritime est à la fois essentiel et sous-régulé. Faute de routes praticables, les liaisons maritimes sont souvent la seule option pour des milliers de Malgaches vivant dans des zones enclavées. Mais le secteur est miné par : la vétusté des embarcations, l’absence de normes de sécurité appliquées, le laxisme des contrôles portuaires, et des pratiques de corruption endémique. Chaque année, des accidents mortels sont signalés. Peu font la une, sauf quand l’ampleur du drame choque l’opinion.
Une prise de conscience tardive
Depuis le drame, plusieurs ONG et responsables politiques appellent à des réformes : modernisation de la flotte maritime, professionnalisation des contrôles portuaires, création des lignes de transport public maritime réglementées, sanctions fermes contre les infractions. Pour les familles des victimes, l’arrestation du capitaine est un premier pas vers la justice. Mais beaucoup restent sceptiques sur une réelle volonté politique de réformer un secteur laissé à l’abandon.
Chronologie du drame du M/S Francia III |
– 20 décembre 2021 : Naufrage du M/S Francia III, 88 morts. – 30 décembre 2021 : Avis de recherche judiciaire lancé contre le capitaine. – Février 2022 : Arrestation de 13 personnes impliquées dans le drame. – Juin 2025 : Antonio Norbert, le capitaine, est arrêté à Bazary Tantsaha-Ambinany. |